Vaccins: nous prend-on vraiment pour des jambons?

• 11 Août 2017

Sujet épineux. On aurait pu débattre de l’allaitement aussi. Mais dans la liste des sujets qui crispent les pour comme les contre, Le Lab s’attaque aux vaccins. Alors que le gouvernement du nouveau président Macron vient de rendre 11 vaccins obligatoires, faut-il s’inquiéter de leur nocivité? On fait le point sur le débat.

Pourquoi reparle-t-on des vaccins en ce moment?

La ministre de la Santé Agnès Buzyn a annoncé début juillet que 11 vaccins seront obligatoires dès 2018 pour les enfants de moins de deux ans. Haemophilius influenzae B, coqueluche, hépatite B, rougeole, oreillons, rubéole, méningocoque C et pneumocoque viennent s’ajouter aux déjà inévitables diphtérie, tétanos et poliomyélite. Cette décision fait suite selon la ministre au retour de certaines maladies infantiles. La rougeole aurait tué 10 enfants depuis 2008.  « On sait qu’il est possible de voir revenir certaines maladies, comme la diphtérie ou la méningite, expliquait Odile Launay, infectiologue, à FranceInfo. Ça a été le cas au Maghreb ou dans les ex-pays d’Union soviétique, à des moments où les systèmes de santé étaient désorganisés sur le plan politique. »

 

[#ConfVaccins] « L’’extension à 11 vaccins obligatoires représente seulement pour les enfants, 10 injections, étalées sur 2 ans » @agnesbuzyn pic.twitter.com/uUvX17mC6l

— MinSolidaritésSanté (@MinSoliSante) 5 juillet 2017

Pourquoi les Français sont-ils méfiants?

D’après un sondage Odoxa, 56% des Français sont contre cette obligation de vaccination. La première raison évoquée révèle une crainte de servir avant tout les intérêts de l’industrie pharmaceutique. « Si le bénéfice est connu, communiqué, et expliqué, les risques restent très mal connus », résume un collectif de parents dans une tribune publiée sur Libération. La France est le pays européen le plus rétif à la vaccination. Seuls 43,8% des enfants de 6 ans scolarisés en maternelle en France sont par exemple vaccinés contre le méningocoque C, qui appartient à la liste des obligations désormais.

Quels sont les effets secondaires des vaccins?

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, l’immense majorité des vaccinations n’entraîne que des effets secondaires minimes, « un bras douloureux ou une légère fièvre », illustre l’organisme. Dans un article publié sur son site, l’OMS balaye les croyances liant la vaccination à l’autisme ou la mort subite du nourrisson. En 1998, une étude britannique avait établi un rapprochement entre le vaccin rougeole-oreillon-rubéole et l’autisme. Depuis, des recherches contradictoires ont démenti ces conclusions. La « fraude scientifique » a même été reconnue en 2007. Le docteur Wakefield ayant conduit la première étude avait été soudoyé par un avocat souhaitant poursuivre le laboratoire.

Un lien de causalité entre le vaccin contre l’hépatite B et la sclérose en plaques est aussi argué par certains malades. Une décision du 21 juillet de la Cour de Justice des Communautés européennes a remis un peu d’eau au moulin. L’instance a eu à traiter d’un litige opposant des malades atteints de sclérose en plaque et des laboratoires produisant le vaccin contre l’hépatite B. Mais la Cour ne s’est prononcé que sur une question de forme et non sur le fond de l’affaire. Il s’agissait ici de préciser l’interprétation d’une directive européenne de 1985 sur les produits défectueux. Cette dernière explique que « la victime est obligée de prouver le dommage, le défaut et le lien de causalité entre le défaut et le dommage ». En gros, la question posée était: faut-il une preuve scientifique ou un faisceau d’indices suffit-il? La CJCE a choisi la seconde interprétation. Elle a posé les bases du traitement de l’affaire sans aucunement entamer une réflexion sur le fameux lien de causalité.

L’aluminium contenu dans les vaccins est-il dangereux?

Les sels d’aluminium sont utilisés comme adjuvants dans 60% des vaccins. Ils permettent de stimuler la réaction immunitaire et de faciliter la production d’anticorps par l’organisme. Des patients accusent l’aluminium d’être responsable du développement d’une maladie neurologique rare, la myofasciite à macrophages. Cette affection entraîne un épuisement chronique et des douleurs articulaires et musculaires. L’association de malades E3M milite depuis 2001 pour l’utilisation de vaccins sans aluminium.

 

Le professeur en pathologie neuromusculaire Romain Gherardi, auteur de Toxic Story : deux ou trois vérités embarrassantes sur les adjuvants des vaccins, est à l’origine de cette thèse. C’est lui qui a découvert la myofasciite à macrophages et pointé du doigt le potentiel responsable: l’aluminium des vaccins. Sans que la communauté scientifique le soutienne. Le Haut conseil de la santé publique a formellement démenti cette théorie dans un rapport publié en 2013. L’OMS estime elle que cette maladie n’a été observée qu’en France. Début août, un collectif menée par l’avocate Jacqueline Bergel a déposé un recours au ministère de la Santé. Il demande le retrait des adjuvants à base d’aluminium.

Faut-il faire confiance aux scientifiques?

La question est brutale mais c’est un peu le fond du débat. Factuellement, la majorité des études, médecins, chercheurs et organismes publics ou privés, concluent à la nécessité des vaccins et à l’absence de causalité entre les adjuvants et le développement de maladies. C’est indéniable. En face, on ne saurait nier l’hyper-puissance des lobbys pharmaceutiques en France, en Europe, dans le monde. On sait une partie des études peu fiables (qu’elles soient pro ou anti-vaccins) car menées sur trop peu de personnes, contredites, critiquées ou à l’objectivité douteuse quand elles sont demandées par des laboratoires.

On voit l’errance du professeur Gherardi quand il a mis le doigt sur un lien probable entre vaccin et maladie neurologique. « Avec malice, il se souvient comment tous ses amis chercheurs le félicitent au tout début, puis comment le vent se met à tourner quand il évoque un lien avec le vaccin, commente Libération en évoquant son ouvrage. Crime de lèse-vaccin. Et ne parlons pas de l’absence de budget de recherche quand il tente de décortiquer le lien entre adjuvant et fatigue chronique. » Enfin, on ne connaît que trop les conséquences dramatiques de certains produits vantés par l’industrie et les pouvoirs publics découvertes a posteriori. En vrac, l’amiante, les OGM, le tabac, le nucléaire… La liste n’a ni queue ni tête mais illustre et encourage la méfiance des Français à l’égard des vaccins. Malgré la fermeté du gouvernement.

 

Christine, journaliste pour Le Lab.